Antoine Gailleton (1829-1904)

une double vocation :Professeur de dermato-vénéréologie et maire de Lyon

Docteur Jacques Chevallier (Vaulx en Velin)
Communication à la Société française d'Histoire de la Dermatologie, le 4 décembre 1998


Issu d'une très modeste famille, Antoine Gailleton est né à Lyon le 17 novembre 1829.
Il s'inscrit à l'Ecole préparatoire de Médecine de Lyon en 1847, puis est Interne des Hôpitaux de Lyon en 1849 et docteur en médecine en 1854. Après deux échecs, il est brillamment reçu au concours du Majorat de l'hôpital de l'Antiquaille de Lyon en 1858.

L'Antiquaille, situé sur la colline de Fourvière, fut entre 1803 et 1830 un hospice, dont la vocation initiale était de soigner les vénériens et les galeux des deux sexes. De 1830 à 1876, l'hospice devint un asile-hôpital ne se consacrant qu'aux soins des aliénés et aux malades porteurs de maladies vénériennes et de la peau. Le service chirurgical est alors représenté par le chirurgien-major nommé par concours pour six ans.
Après le départ des aliénés en 1876 et la création de la chaire des maladies cutanées et syphilitiques en 1877, l'Antiquaille devient un hôpital de spécialité dermato-vénéréologique jusqu'au début de notre siècle.

L'Ecole de l'Antiquaille a été fondée par le premier chirurgien-major, Prosper Baumès (1791-1871). En six ans, de 1837 à 1842, il va transformer un hospice de vénériens en la première école dermato-vénéréologique de province.
Les successeurs de Baumès et prédécesseurs de Gailleton seront Paul Diday (1813-1894), Alexandre Rodet (1814-1884) et Joseph Rollet (1824-1894). Ils vont conforter et développer l'importance de cette école. Cette filiation explique comment la dermatologie fut, à Lyon, à l'origine chirurgicale!

Gailleton chirurgien-major est le premier à bénéficier d'une durée de majorat de 18 ans. D'abord chirurgien aide-major de 1858 à 1864, il est responsable du service des enfants teigneux, galeux, dartreux ou scrofuleux. Chirurgien-major de 1864 à 1869, chargé des hommes vénériens, il laisse le souvenir d'un excellent clinicien et d'un enseignant exceptionnel qui attirait les étudiants en foule.
Enfin, de 1870 à 1876, Gailleton occupe le poste de chirurgien des Chazeaux (service des femmes et la crèche) créé à son intention.

Antoine Gailleton est, lors de la création de la Faculté de médecine de Lyon en 1877, le premier titulaire de la Chaire des maladies cutanées et syphilitiques, qu'il occupe jusqu'à sa mort en 1904. Remarquons que cette Chaire fut créée trois ans avant celle de Paris, dont Alfred Fournier fut le premier titulaire de 1880 à 1902.
Son activité hospitalière s'est fortement ralentie de 1881 à 1900 alors qu'il est maire de Lyon, mais va reprendre de 1900 à 1904. En 1904, il obtient la création d'une seconde clinique à l'Hôtel-Dieu proposant des consultations à huit heures du soir pour les ouvriers.

L'œuvre dermato-vénéréologique d'Antoine Gailleton est modeste. A côté de nombreux articles dans la presse médicale et la publication de quelques brochures sur l'eczéma, la dartre, l'étiologie des maladies cutanées des enfants, nous retiendrons surtout son Traité élémentaire des maladies de la peau publié en 1874. Il s'agit d'un traité synthétique, un guide qui résume bien les conceptions de l'époque, sans proposer une énième nouvelle classification.

Sa deuxième vocation est politique. Gailleton a toujours été un républicain convaincu, préoccupé des problèmes sociaux, des intérêts de ses concitoyens et de la prospérité de sa ville. Anticlérical et franc-maçon, il va toutefois évoluer vers un certain conservatisme.
Ses premiers pas en politique sont précoces; il fait partie du premier Comité Central Républicain lors de la Révolution de 1848 puis prend une part active aux luttes républicaines sous l'Empire.
Elu conseiller municipal en 1870, il entreprend de rétablir l'autonomie administrative de la ville et participe aux premières démarches pour favoriser la création d'une Faculté de Médecine à Lyon. Il est ensuite Maire de Lyon pendant 19 ans de 1881 à 1900. Gailleton est finalement battu en 1900 par son ancien élève et successeur à l'Antiquaille, Victor Augagneur dont l'ambition politique est nationale...
De nombreux maires de Lyon ont été médecins au cours du XIXème siècle: on a même parlé de la "République des médecins"! Gailleton fut un maire très populaire ; les lyonnais le surnommèrent "le père Gailleton" ou "le Toine"!

Son œuvre politique est importante dans deux domaines: les grands travaux d'urbanisme avec l'aménagement de plusieurs quartiers, le renouvellement de ponts, le développement des tramways, etc... et le domaine de l'hygiène publique avec la création d'un bureau d'hygiène et d'un service des eaux, l'installation de l'Ecole de Santé Militaire et de l'hôpital Renée Sabran à Giens, la création d'un asile des Invalides du travail et d'asiles d'assistance publique.
Enfin citons la construction d'écoles primaires et la promotion et l'organisation de l'Exposition Universelle de 1894 au parc de la Tête d'Or de Lyon. Gailleton fut directement concerné par l'assassinat, le 24 juin, du Président Sadi Carnot venu inaugurer l'Exposition.

L'homme a un visage régulier avec un regard malicieux. Il porte barbe, moustache et calvitie...Habillé simplement, il se déplace avec difficulté car il souffre de goutte!
C'est un homme simple, pourtant habile et rusé, dévoué à ses malades et à ses administrés. C'est un meneur d'hommes!
Il se marie deux fois et a trois enfants de sa première épouse.
Grand Officier de la Légion d'Honneur en 1895, il décède le 9 octobre 1904 à l'âge de 75 ans. Une énorme foule assiste à ses funérailles.
En 1904, le quai de la Charité devient le quai Gailleton et la place Grolier la place Gailleton. Un important monument y est inauguré en 1913.
Cette double vocation médicale et politique, fréquente à Lyon, fait de Gailleton un personnage attachant et marquant de la fin du XIXème siècle.

Référence essentielle: LACROIX Anne: ANTOINE GAILLETON (1829-1904). Une double vocation: Médecin, Chirurgien-major de l'Antiquaille, Professeur de clinique des maladies cutanées et syphilitiques et Maire de Lyon. Président : Pr Louis Fischer. Thèse Médecine Lyon 1997, n°125.


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